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 QUI DOIT REMPLIR LA DÉCLARATION À ADRESSER À LA CFCEE ?


La réponse qui consisterait à dire que c’est au médecin qui a posé l’acte d’euthanasie de remplir la déclaration et de l’adresser à la CFCEE pourrait relever de la Lapalissade. En effet, l’article 5 de la loi relative à l’euthanasie prévoit que « le médecin qui a pratiqué une euthanasie remet, dans les quatre jours ouvrables, le document d'enregistrement visé à l'article 7, dûment complété, à la Commission fédérale de contrôle et d'évaluation visée à l'article 6 de la présente loi ».

Et pourtant, cette évidence se heurte à des expériences de terrain. Et ce, parce qu’il arrive plus d’une fois que le médecin qui a consulté un confrère pour recueillir son avis dans le cadre d’une procédure d’euthanasie lui révèle qu’il ne posera pas l’acte.

Bref rappel de la procédure de consultation prévue par la loi du 28 mai 2002 relative à l’euthanasie

Le médecin qui reçoit la demande d’euthanasie d’un patient doit notamment consulter un autre médecin quant au caractère grave et incurable de l’affection et au caractère constant, insupportable et inapaisable de la souffrance physique ou psychique. L’on parle d’un premier avis car dans l’hypothèse où le décès n’est pas prévisible à brève échéance, le médecin devra consulter un second médecin, psychiatre ou spécialiste de la pathologie concernée. Ce second avis porte sur le caractère grave et incurable de l’affection et au caractère constant, insupportable et inapaisable de la souffrance physique ou psychique   ainsi que sur le caractère volontaire, réfléchi et répété de la demande.

La loi exige que le médecin consulté soit indépendant tant à l’égard du patient qu’à l’égard du médecin « traitant » c’est-à-dire du médecin qui a accepté de traiter la demande du patient. La loi exige également cette indépendance du second médecin consulté à l’égard du premier médecin consulté.

Lire à ce sujet le rappel des réflexions de la CFCEE quant à ce critère d’indépendance 

Quelles sont les hypothèses à envisager ?


La mauvaise solution est d’inverser les rôles, le médecin consulté prenant la place du médecin traitant et ce dernier apparaissant comme le médecin consulté. En effet, comme ce dernier ne peut être considéré comme indépendant à l’égard de son patient, il ne remplit pas les conditions pour rendre cet avis imposé par la loi relative à l’euthanasie.

Il faut s’interroger sur la raison du refus du médecin « traitant » de poser l’acte d’euthanasie.

  1.  Le médecin traitant refuse de poser l’acte : clause de conscience

Si le médecin invoque la clause conscience, il faut se référer aux dispositions de la loi concernant l’exercice de cette clause. Et en principe, ce médecin n’apparaîtra plus dans la procédure d’euthanasie.

  1. Le médecin traitant ne s’estime pas capable de poser l’acte

Si c’est en raison de la crainte du médecin devant ce geste, ce que l’on peut parfaitement comprendre, il est possible pour le médecin consulté de lui proposer de l’assister.

Tout comme un infirmier peut préparer par exemple une perfusion et apporter un soutien technique, l’on peut parfaitement concevoir que le médecin consulté apporte son expertise pour l’accomplissement du geste. Et cela permettra peut-être au médecin « traitant » d’oser dans le futur de poser lui-même cet acte d’euthanasie.

Il convient dans ce cas que ce soit le médecin traitant qui prenne la responsabilité de la déclaration d’euthanasie. En principe, il connaît le dossier et s’est en effet assuré de ce que les conditions essentielles et les conditions de forme et de procédure ont été respectées. Ce n’est que le geste final qu’il n’a pu poser sans l’assistance de son confrère.

  1. Le médecin traitant annonce qu’il ne sera pas présent
  1. S’il a annoncé son intention non seulement de ne pas poser l’acte mais encore de ne pas être présent le jour de l’euthanasie, la procédure doit être reprise ab initio. En espérant que le dossier médical soit complet au point de vue notamment de la procédure, à l’exception de la consultation, le médecin qui accepte de reprendre le dossier devra compléter la procédure de consultation, soit consulter un autre confrère qui pourra répondre au critère de l’indépendance.
     
  2.  Le médecin se récuse à la dernière minute

Si par extraordinaire (certains médecins nous disent cependant que cela arrive plus fréquemment que ce que l’on pourrait craindre) le médecin « traitant » se rétracte à la dernière minute ou est absent pour différentes raisons (vacances, maladies, etc.), et que par respect pour le patient, l’on ne veut lui un report de date, une nouvelle attente, etc., le médecin consulté qui poserait l’acte par humanité à l’égard du patient, pourra invoquer la force majeure.

Il faut cependant souligner qu’il ne faut recourir à cette solution que si aucune autre n’est possible. Et le médecin devra s’assurer de ce que le dossier médical est solide, en d’autres mots que les conditions essentielles sont bien rencontrées.

Rappelons en effet qu’un manquement à la procédure de consultation peut conduire à la responsabilité pénale du médecin qui pose l’acte. Si ce médecin devait être inquiété par rapport à un manquement à la procédure de consultation, il y aurait lieu de recourir à la notion d’état de nécessité.

Conclusion


Il est essentiel que les conditions prévues par la loi soient scrupuleusement respectées, certainement en ce qui concerne les conditions de fond, sans possibilité d’exception, mais aussi pour les conditions de forme et de procédure, lesquelles ont été prévues pour s’assurer que les conditions de fond sont remplies. 

Si nous avons évoqué la force majeure voire l’état de nécessité, c’est pour envisager des cas qui doivent rester des exceptions et ne concernent en aucune façons les conditions de fond.

Ces situations nous sont exposées par des médecins confrontés à une décision morale et éthique lourde : se retrancher derrière une condition de forme ou de procédure de la loi ou répondre à la demande d’euthanasie justifiée du patient alors qu’un de leurs confrères est défaillant.

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Considérations de la Commission quant à l’indépendance du médecin consulté (10ème rapport, pp25-26)

La loi du 28 mai 2002 relative à l'euthanasie prévoit que le (premier) médecin consulté doit être indépendant, tant à l'égard du patient qu'à l'égard du médecin traitant, et que, pareillement, le (second) médecin éventuellement consulté (lorsque le décès n'est pas prévisible à brève échéance) doit être indépendant tant à l'égard du patient qu'à l'égard du médecin traitant et du premier médecin consulté. En énonçant cette condition, le législateur a souhaité faire intervenir dans le processus un médecin qui pourra apprécier la situation avec un regard neuf, considérant que le médecin traitant ne dispose peut-être pas de l'objectivité nécessaire, notamment quant aux possibilités de traitement qui subsistent.

La Commission a déjà donné quelques explications quant à l’indépendance du médecin consulté, qui ont été reprises dans la brochure destinée aux médecins. Elle considère que cette notion implique que le médecin consulté ne peut avoir avec le patient ou le médecin en charge de celui-ci "ni relation hiérarchique de subordination, ni relation familiale, et qu’il ne doit pas avoir une relation thérapeutique suivie avec le patient".

Il est apparu qu’il était important de revenir sur cette notion, à la suite notamment d’interrogations de médecins. À leurs yeux, les généralistes, médecins de famille, seraient les mieux placés pour s’exprimer sur le caractère inapaisable des souffrances d'un patient qu'ils connaissent depuis des années. Ces réflexions issues de la pratique doivent être entendues.

La question du lien hiérarchique pose peu de problèmes. Tout risque de pression et de "conflit de loyautés" se doit d'être évité. Ainsi ne convient-il pas, par exemple, que des médecins spécialistes ou des généralistes en formation soient sollicités pour avis par leurs maîtres de stage.

Pour le surplus, la question de l’indépendance du médecin à l’égard du patient s'avère parfois délicate et difficile à respecter d'une manière absolue. La Commission s’était déjà prononcée à cet égard en évoquant "l’absence de relation thérapeutique suivie". Le mot "suivie" est particulièrement important. Il faut encore préciser ici : "en lien avec la pathologie qui se trouve à l’origine de la demande d’euthanasie". Cela n’aurait en effet aucun sens d’exclure de la possibilité d’assumer la fonction d’avis tout médecin qui aurait rencontré et soigné le patient dans le passé pour le traitement d'une autre affection, ni un médecin collègue dans le même département hospitalier ou dans une maison médicale qui aurait reçu le patient en l’absence de son confrère, ni un médecin spécialiste qui aurait été amené à donner un simple avis au décours de la maladie, le cas échéant dans le cadre d'une concertation multidisciplinaire et sans qu'il y ait eu un contact personnel effectif avec le malade. La notion d'indépendance ne saurait s'entendre comme exigeant que le médecin consulté ne pourrait jamais, en aucune circonstance, avoir rencontré préalablement le patient ou avoir eu à connaître de son historique médical.

En effet, exiger une indépendance stricte et totale du médecin consulté est problématique, et peut s'avérer en réalité impraticable. Dès qu'un médecin doit porter un jugement dans une procédure d'euthanasie, il n'est plus complètement "indépendant" : une relation s'établit nécessairement avec le patient et, de plus, l'empathie est nécessaire pour ressentir la souffrance du patient concerné, et ainsi vérifier que les conditions essentielles prévues par la loi sont remplies. Il est même permis d'affirmer qu'une bonne connaissance du dossier, couplée à l'exploration d'autres options de traitement, sont précisément préférables à une étude stérile, "froide et distante", du dossier. En principe, le médecin qui accomplit l'acte et les médecins consultés devraient idéalement pouvoir fonctionner comme une sorte de "collège multidisciplinaire" pour cheminer ensemble vers la meilleure décision. Ceci est d’autant plus vrai en présence de patients psychiatriques.

La notion d'indépendance implique avant tout, dans n'importe quel domaine, l'absence de tout conflit d'intérêts (ou de loyautés) au sens large, tant matériel qu'intellectuel. Il importe que le médecin consulté soit convaincu qu'il peut jouer ce rôle sans excès de subjectivité. Ceci relève de sa déontologie personnelle. S'il a un doute, ou s'il sent qu'il risque d'être pris dans un conflit d'intérêts ou de loyautés, il fera bien de l'indiquer à son confrère, d’expliciter ce doute dans son avis et de lui conseiller de consulter un autre médecin par sécurité.

Le questionnement de la Commission sur ce point vient le plus souvent de l'indication, au titre de la "qualification du médecin consulté", qu'il s'agit d'un médecin traitant ou behandelende arts (qu'il soit généraliste ou spécialiste). Comme telle, cette indication est en effet de nature à laisser penser qu'il pourrait ne pas présenter l'indépendance requise. Même si ce doute est en réalité infondé, il convient d'éviter toute impression (apparence) de partialité. Il serait donc indiqué que le médecin qui remplit la déclaration précise que le confrère consulté n'était pas en relation thérapeutique suivie avec le patient, en lien avec la pathologie qui se trouve à l’origine de la demande d’euthanasie, comme indiqué ci-dessus, ou du moins que ce médecin est convaincu, en son âme et conscience, qu'il peut rendre l'avis demandé avec l'objectivité et la distance voulues. En pareil cas, la Commission n’aura aucune raison d'en douter, et la condition d'indépendance sera remplie.

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